
La Vague
Allongée sur la plage, les pieds dans le sable, je profite pleinement du soleil qui chatouille ma peau. Le soleil descend gentiment, au loin à l'horizon. Les gens se lèvent, ils plient leur affaire et s'en vont calmement sur le chemin du retour les menant à leur maison.
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Je me languis de pouvoir rester et profiter des derniers éclats du soleil. Ma respiration est calme, mon souffle se synchronise avec le mouvement de va-et-vient des vagues.
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Soudainement, je sens l'eau monter. Comme aspirée et entrainée par les pieds, je me retrouve précipitamment sous l'eau. Je sens que je peine à respirer. Je me débats violemment avec l'eau pour parvenir à garder ma tête hors de l'eau. Du coin de l'œil, je surprends une nouvelle vague arrivée. Le cauchemar va recommencer. C'est à nouveau la machine à laver. Je replonge, je ne peux point respirer, j'ai la sensation que mon cœur va lâcher. Jamais je ne parviendrai à me libérer. Rien ne va s'arranger.
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On m'avait déjà raconté ce que sont les vagues. Elles viennent, te font perdre pied, tu ne peux plus respirer et il est nécessaire de commencer à t'économiser pour pouvoir t'en délester.
Étant novice, je commence à m'épuiser. À force de gigoter et de nager pour vouloir fuir avant de me noyer. Je finis par me rendre compte que ce comportement ne va pas me sauver.
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Je change de façon de combattre, cette vague m'a prise au dépourvu. Je vais l'agresser tout comme elle est venue, elle, me déranger. J' essaie d'ouvrir la bouche pour l'insulter. La médire, elle qui s'est permise de m'intruser. Quelle belle preuve de perspicacité que d'ouvrir sa bouche quand je suis entrain de me noyer. Que ce bain de bouche salé me serve de leçon la prochaine fois que je serai tenté de me débarrasser de mes responsabilités. Ce n'est pas en fulminant et en insultant le danger que je pourrai m'améliorer dans l'apnée.
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Finalement, après de longues minutes, je sens que je suis vraiment à bout. Toutes mes réactions innées ne m'ont pas sauvée. En effet, elles sont là, automatisées depuis de si longues années, mais toujours aussi inefficaceset plombées.
Tant pis, je vais crever. J'arrête de vouloir me barrer, de vouloir rendre via des coups de pied. Je me laisse aller, je lâche prise et je me laisse bercer par l'eau qui a fini par débrancher ce mental, affamé de vouloir tout contrôler.
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Je reviens lentement et calmement dans mon intériorité. Je sens que mon souffle commence à se calmer. Je finis même par l'observer, lui et le reste de mon corps totalement immergé.
Je ressens que le tumulte commence à se calmer. J'ai lâché et les choses sont parvenues à me traverser. Me battre contre vents et marées n'a pas permis à l'énergie de circuler, ce qui a fini par presque me noyer. Je dis presque, car le moment où je me suis enfin abandonné à quelque chose de plus grand que ce petit mental mal discipliné, j'ai enfin réussi à être sauvée. Je ressens enfin le calme et la légèreté. Je suis bercée sur cette eau bien trop belle pour être ignorée.
C'est donc ça la sérénité ? Accueillir une vague, se faire emporter et, à travers tout ça, rester là à observer que celle-ci finira toujours par passer.
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Quelle heure est-il ? ! Je me réveille d'un coup et d'un seul sur mon linge, là, sur cette plage abandonnée. Mes derniers souvenirs remontent à ma discussion enflammée avec cet étranger qui est venu réveiller en moi des choses encore mal digérées. Je plie rapidement mes affaires, les enfourne dans mon sac et, juste avant de partir, je lance un dernier regard à la mer et à toutes les vagues qui ne cesseront de l'habiter.
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